The Legend of Zelda: Link's Awakening (2019) - Un jeu Gameboy sur Switch?

Depuis la Nintendo 64 et Ocarina of Time, la saga The Legend of Zelda a toujours suivi deux styles bien différents. D’un côté Nintendo nous a proposé des jeux à gros budget, aux graphismes impressionnants et aux mondes toujours plus grands, sur les consoles de salon; de l’autre des jeux à plus petite échelle, au style plus enfantin et faciles d’accès sur consoles portables. Cependant, maintenant que la Nintendo 3DS est officiellement morte et que seule la Nintendo Switch demeure, la distinction n’a plus lieu d’être et c’est ainsi que l’on se retrouve avec The Legend of Zelda: Link’s Awakening (2019) sur la Switch, à la fois console de salon et portable.

Nintendo n’a cependant pas complètement abandonné son modèle traditionnel puisque la sortie du modèle Switch Light accompagne le lancement de ce Link’s Awakening, console qui, vous l’aurez deviné, ne se joue qu’en mode portable. Alors certes, à côté de son grand frère Breath of the Wild, immense, magnifique et disponible sur la même console, Link’s Awakening fait preuve d’un peu moins d’ambition. Il serait pourtant bien dommage de le reléguer au second plan, tant ce qu’il a à offrir dispose d’une tout autre saveur, plus classique et une peu moins généreuse, mais tout aussi délicieuse...

Vous reprendrez bien une bonne tranche de Nostalgie?

Pour les moins de 25 ans et les fans les plus récents de l’univers de Zelda, The Legend of Zelda: Link’s Awakening (2019) est le remake du jeu éponyme sorti en 1993 sur Nintendo Gameboy, console dont il est d’ailleurs l’un des jeux les plus emblématiques. Certains le considèrent encore aujourd’hui comme le meilleur Zelda jamais réalisé (pas moi).

L’équipe du studio Grezzo, le studio officiel des remakes de Nindendo qui est derrière les versions 3DS d’Ocarina of Time, Majora’s Mask mais aussi de Luigi’s Mansion, ont cette fois eu la tâche de reconstruire à partir de zéro le monde de Link’s Awakening dans un tout nouveau style. Et c’est avec une très grande application que la recréation du jeu a été faite, si bien que les soluces d’époque rédigées pour le jeu Gameboy sont toujours applicables au remake Switch (oui, j’en ai fait l’expérience et non, je n’ai pas honte). Tout y est, des personnages aux mini-jeux, des décors aux montres et boss. Nous avons ici affaire à une reconstitution quasi parfaite du jeu original sur support moderne.


L’histoire reste elle aussi inchangée par rapport au jeu Gameboy, mais surprendra certainement les derniers arrivés de la série. Pas de Ganon, de royaume d’Hyrule, de triforce ou même de princesse Zelda (sacrilège!) dans cet épisode, l’histoire est très simple et se résume en quelques mots. Suite à un naufrage en mer, Link se réveille sur une île coupée du monde et dont les habitants n’ont jamais traversé les frontières. Sur cette île dort un mystérieux animal appelé « Poisson-rêve », blotti dans une coquille d’œuf au sommet de la montagne de l’île. Pour pouvoir fuir l’île mystérieuse, Link va devoir collecter une série d’instruments cachés dans les donjons éparpillés dans l’île. C’est à peu près tout ce que je peux vous révéler sans spoiler le peu de retournements de situation que propose le jeu.

Dans ce Link’s Awakening (2019), le changement le plus radical est donc le style graphique du jeu, prenant une toute nouvelle forme encore jamais utilisée pour les jeux Zelda. Pas de design “Toon Link” cette fois-ci, les développeurs ont pris une direction différente intitulée “rétro-moderne” tout en 3D. Cette nouvelle direction artistique peut surprendre lorsque l’on regarde le jeu pour la première fois, mais elle s’intègre à merveille au style Zelda classique et a fortiori dans cet épisode où les séquences cinématiques sont extrêmement rares. C’était un changement de style osé mais qui porte finalement ses fruits. Marié à de nombreux filtres à la Octopath Traveller lors des phases en extérieur, le jeu est toujours très simple mais très beau, que ce soit en mode portable ou sur la télé. 

Et puisque l'on parle des qualités artistiques du jeu, comment ne pas mentionner les reprises des thèmes musicaux classiques de Zelda interprété par un orchestre de chambre: un vrai délice pour les oreilles!

Attention cependant, sur le plan technique, le jeu est victime de chutes de framerate très fréquentes que l’on peut difficilement pardonner à un jeu Zelda, surtout à cet épisode en particulier qui propose des graphismes très simples au vu de la puissance disponible sur la Nintendo Switch.

 

C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes

En commençant Link’s Awakening et en observant sa carte du monde pour la première fois, j’avoue avoir été scandalisé, tant le monde proposé me semblait riquiqui, même par rapport aux jeux DS/3DS. Après avoir vu et joué à de nombreux jeux modernes inspirés de Zelda disposant de cartes immenses, il est très surprenant de revenir à des proportions beaucoup plus limitées.

L’île de Cocolint est donc indéniablement petite. Et pourtant, elle constitue un véritable trésor de level design auquel je n’étais plus habitué. Le moindre recoin de l’île regorge de grottes et de passages secrets accessibles à mesure que l’on débloque de nouveaux objets et accessoires dans les donjons. Si bien que visiter l’île dans son ensemble prend bien plus longtemps que ce que j’avais initialement imaginé.

Et j’avoue qu’aujourd’hui encore, en regardant la carte, je suis bluffé de voir que le jeu a réussi à intégrer pas moins de 9 donjons sur une aire de jeu si petite sans donner le sentiment qu’ils étaient collés les uns aux autres (ce qu’ils sont un peu en fait).

Car Link’s Awakening est bâti sur une structure très classique, et un chouia répétitive, de phases consistant à chercher la clé d’un donjon, de traverser ce donjon, d’y trouver le nouvel objet qui va permettre d’accéder à de nouveaux endroits, d’en éliminer le boss, puis de recommencer à chercher la clé du prochain donjon et ainsi de suite jusqu’à la fin du jeu. Il s’agit bel et bien d’un « dungeon game » à l’ancienne. Pourtant, le renouvellement constant de l’arsenal d’objets ainsi que des mécaniques de jeu, couplé à une difficulté extrêmement bien dosée et une durée de vie longue mais pas trop, font que la lassitude ne s’installe jamais vraiment. C’est pour moi, de nouveau, une sacrée prouesse, notamment à cause du fait que l’on connaît déjà la plupart des objets et mécaniques acquis au cours de l’aventure: anneau de force, arc, bombes, grapin… tous les classiques de Zelda sont là pour le meilleur et… surtout pour le meilleur au final.

Les donjons prennent, comme au bon vieux temps, la forme de salles carrées ou rectangulaires s’enchaînant les unes après les autres pour créer une unité autour d’un thème. La complexité des donjons augmente au fil de l’aventure, notamment grâce au fait que chacun des objets acquis, même dans les premiers moments du jeu, restent utiles et nécessaires jusque dans les derniers moments du jeu. Les boss sont peut-être un peu moins mémorables que dans d’autres épisodes de la série, avec des points faibles un peu trop évidents et une diversité de coups limitée. Mais il ne fait aucun doute que cette relative simplicité est due à l’amélioration des contrôles depuis le jeu Gameboy où il fallait gérer un large inventaire avec deux boutons uniquement. Ici, ce n’est heureusement plus le cas et tu vas pouvoir utiliser l’épée et le bouclier à tout moment, grâce à des boutons dédiés comme dans les Zelda plus récents.

Je ne peux pas passer à la suite sans mentionner les phases de plateforme en 2D vue de côté où Link doit sauter et se frayer son chemin tout en croisant les montres emblématiques de la série des Mario, du poisson au Goomba en passant par la fameuse plante carnivore ou même Boo. C’est un peu surprenant la première fois, mais de nouveau très bien intégré au reste du jeu.

 

L’art de créer un donjon et de faire des mini-jeux

Link’s Awakening (2019) propose une nouveauté majeure dans ses mécaniques, empruntant à Super Mario Maker, qui consiste à créer soi-même ses donjons personnalisés grâce à une bibliothèque de salles disponible qui s’agrandit à mesure que l’on progresse dans le jeu. C’est sympathique la première fois que l’on s’y essaie, mais ce mode se heurte très rapidement à un mur dès que l’on souhaite partager ses créations et varier son expérience. C’est très simple, le partage est impossible, il n’existe aucun mode en ligne et le seul moyen de sortir ses créations de sa propre console est grâce au système d’Amiibos sur lesquels on peut stocker un donjon créé pour le partager physiquement avec un ami qui possède également le jeu. L’idée de base est excellente, mais malheureusement l’exécution fait que je ne me suis pas attardé sur ce mode.

D’autres mini-jeux sont disponibles au fil de l’aventure, comme la pêche ou le « gatcha » (le jeu de la pince qui essaie d’attraper des objets comme on retrouve dans nos foires). Ils sont tous plutôt réussis, sans non plus révolutionner le genre.

Au final, les activités annexes auxquelles on se dédie assez naturellement sont surtout la chasse aux traditionnels Quarts de Cœur permettant de compléter une barre de vie allant jusqu’à vingt cœurs, ainsi que la quête des coquillages, éparpillés partout dans le monde et qui permettent d’obtenir quelques bonus supplémentaires.

N’oublions pas également le mode de difficulté héroïque qui propose de rehausser la force des monstres notamment pour ceux qui veulent tenter le « new game + » avec un challenge beaucoup plus relevé.

 

Délit de fidélité?

Il est vraiment étrange de jouer à ce remake de Link’s Awakening en 2019, tant il fait appel à des standards auxquels on n’est plus habitués. L’expérience est d’abord déstabilisante, puis la recette à l’ancienne montre à nouveau toute sa grandeur et nous entraîne dans un univers dont on a beaucoup de mal à s’échapper. Chaque brin d’herbe, chaque pierre, chaque mur peut dissimuler un secret et c’est bien cette richesse dans un espace extrêmement limité qui fait la magie de Link’s Awakening. Tout s’intègre et s’enchaîne parfaitement pour proposer une expérience cohérente et étonnement rafraîchissante à l’époque de la démesure des mondes ouverts. 

Ceux qui recherchent l’originalité seront peut-être un peu déçus, notamment dans le mode de construction de donjon qui était prometteur mais n’a pas été assez poussé. De même les problèmes de framerates sont difficilement pardonnables. Mais que tu sois nostalgique du jeu d’origine ou que tu partes à la découverte d’un jeu Zelda que tu n’as pas encore eu l’occasion d’essayer, il sera difficile de ne pas se laisser envouter par la magie simple mais efficace de ce remake de qualité.


Captures vidéo de Julien

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